Petit bilan après deux rentrées dans deux écoles différentes.
Jeudi, classe de CE2. Des élèves globalement très agréables. Ils sont polis, bien élevés, rangent tout seul leur chaise sous leur table avant d’aller manger à midi, je n’ai jamais vu ça ! Jamais eu besoin d’hausser la voix, pas besoin de répéter 50x les règles. C’était assez merveilleux ! Par contre le niveau scolaire est assez faible, voire très faible. Mais le niveau est homogène, donc on travaillera des choses un peu plus simples, pour qu’ils tirent le meilleur d’eux-même. J’oublie complètement que je suis en REP+, catégorie d’école la plus difficile. Merci les parents, on voit qu’ils sont derrière et qu’ils éduquent bien leurs enfants.
Vendredi, c’était autre chose. Classe de CM1/CM2. Ils ont passé la journée à me tester. Je n’ai pas cédé. Beaucoup d’éléments classiques dans une REP/REP+ : ils ne savent pas lever la main pour parler, se déplacent sans demander la permission, des « wallah », un niveau scolaire très faible, ils ne savent pas tenir un rang (on a du mettre 10min à descendre la première fois dans la cour), etc. Donc évidemment j’ai fait la police toute la journée. Par contre les élèves sont très intéressés, la plupart ont soif d’apprendre, sont curieux, intéressés et intéressants :) Et ça c’est chouette, j’arriverai à en tirer des choses je pense.
Mais par contre, y’a A. Il m’a testé comme pas possible. Il me rappelle E. l’année dernière, que j’avais du maîtriser au sol. Dans l’ordre de la journée :
- Il a balancé de l’encre sur le mur > tu prends l’éponge et tu nettoies.
- Il a balancé un truc à 4m dans la poubelle > je lui dis de ramasser, il veut pas, la poubelle est dégueulasse, je l’avertis que la prochaine fois il ramassera, poubelle sale ou pas sale.
- Il a recommencé > il a ramassé et la remis dans la poubelle normalement.
- Il peignait sa règle avec son blanc > tu nettoies ta règles dans l’évier avec tes ongles.
- Sa bouteille tombe par terre et ça coule au sol > tiens, tu prends du sopalin et tu nettoies.
Et là, les drames commencent.
– Ce sont les chiens qui nettoient !
– Deux choses, la première t’as déjà vu un chien nettoyer le sol avec du sopalin ? (les autres rigolent et le vexent, évidemment). La deuxième, c’est extrêmement dégradant pour les personnes dont c’est le métier.
Là, des élèves qui disent que leur maman fait des ménages, et me demandent si ce sont des chiennes… Bref, vous imaginez la situation, je lui fait la moral, et je l’installe dehors avec sa chaise pour qu’il se calme, qu’il réfléchisse, et qu’il présente ensuite ses excuses à la classe.
Pas une minute qu’il est dehors, il tag la chaise avec son blanc. Je lui refait la moral, il est insolent (Quoi ?? C’est pas toi qui achètes les chaises). Je lui dit d’enlever tout ça, il a rien pour, je lui dis d’utiliser sa règle, il veut pas l’abimer, je lui rappelle que quand il la coloriait ce matin ça ne le dérangeait pas, bref, il discute 10 ans, il me gonfle, je lui dis que s’il n’est pas capable de prendre soin du matériel qu’on lui prête, il n’en aura plus, et je prends sa chaise, en lui disant qu’il restera debout.
Là, c’était l’affront de trop pour lui. Voyant que je lui tenais tête quoi qu’il arrive, il change de stratégie, et se met à pleurer. Là je lui montre que ça ne m’amadoue absolument pas, et il devient violent. Il fait le nerveux, fait genre il veut me frapper. Là je m’approche, mais genre bien près, j’entre dans sa zone de sécurité affective (vous savez, cette distance où si quelqu’un y entre ça vous fait bizarre et vous regardez ce qu’il se passe), je lui demande ce qu’il compte faire. Et qu’il n’a pas intérêt à me frapper s’il veut pas finir par terre, qu’il va rien comprendre à sa vie, etc. Il ne m’a pas frappé, mais voyant que même la provocation physique ne marchait pas, qu’il avait tout essayé, il a voulu se barrer. J’ai du interpeler une collègue, on l’a stoppé, ça a fini après la sonnerie du soir chez le directeur, avec la mère voyant que son fils ne venait pas.
C’était chaud, j’espère que ça l’a calmé, qu’il a bien compris que l’autorité c’était moi, et pas lui.
Des élèves m’ont dit que ce qu’il s’était passé n’était rien par rapport à l’année précédente, où il tapait la maitresse (!!).
Il faut vraiment être accroché et stable pour affronter un gamin pareil. J’ai en plus la chance d’être un homme, je ne sais pas comment une femme s’en serait sortie par rapport à sa violence physique. J’avais quand même l’adrénaline à cause de ce petit c*n, j’ai vraiment cru que j’allais m’en ramasser une, mais je n’ai pas bronché. Faut vraiment avoir du self control dans ces situations et rester professionnel.
Je ne suis pas là pour le faire chier, je suis là pour son bien, pour qu’il puisse travailler dans des conditions sereines. J’espère que ce sera le seul affrontement, et qu’il a compris qu’il ne me dominera pas. S’il faut recommencer la semaine prochaine, je recommencerai. Jusqu’à ce qu’il comprenne.
L’année prochaine, il rentrera au collège. Il sera largué dans un établissement avec une douzaine de profs différents. Il n’aura quasiment plus de suivi. Les profs le vireront de classe dès que l’occasion s’en présentera. Il enchainera les colles. Que va-t-il devenir ensuite ?… Du gâchis.