Quand l’Etat a compris que quasi tout le monde pirate

Je vais vous raconter une histoire.

C’est l’histoire d’un pays, la France. Certains hauts fonctionnaires, se baladant sur des sites de torrent ou des forums à la wawa mania, ont vu l’engouement de certains fichiers téléchargés des milliers de fois. Le dernier film à la mode (par ex Avatar), ou la dernière série (Game of Thrones ?). Ces hauts fonctionnaires, ayant accès à toutes les informations qu’ils veulent, ont comparé ces piratages contre le nombre de ventes des DVD/Blu-ray et des tickets cinéma. Ouf, malgré le nombre impressionnant de piratages, les ventes de tickets et galettes sont bien plus élevés, ou du moins rapportent quand même énormément, l’industrie ne va pas couler demain. Ces hauts fonctionnaires ont fait appel à l’élite intellectuelle, afin d’en tirer des conclusions. Les conclusions ont été simples : seule une petite partie de la population télécharge en fin de compte, peut-être 10%, les ventes de dvd ou de tickets ayant baissé de 10%. On va donc mettre en place un système permettant de récupérer l’IP du méchant téléchargeur, et on lui enverra un joli recommandé. S’il y a donc 10 millions de téléchargeurs, on rentrera dans nos frais, tout est parfaitement calculé.

Hop, la messe est dite, Hadopi est lancé. Les premiers résultats tombent, non sans un vent de panique : les français ne sont pas 10% à télécharger, mais 50 à 60%. Ho merde, on ne s’attendait pas à ça, on ne va pas rentrer dans nos frais. Tant pis, maintenant tout le monde connait Hadopi, pour ne pas passer pour des guignols, on continue. Hadopi ne fait peur à personne. C’est ingérable, les téléchargeurs sont beaucoup trop nombreux. Finalement la version actuelle d’Hadopi est revue, il faut trouver une autre solution.

Je pense que l’état est tombé sur le cul en voyant que malgré 50/60% de téléchargeurs, les ventes n’ont baissé que de 10%. Comme si les gens pirataient et allaient quand même au cinéma.

Cela fait à la louche 15 ans que notre internet est assez rapide pour nous permettre de télécharger des films ou de la musique. Avant, on copiait les K7, même les journaux TV fournissaient les jaquettes à découper soit même. On mettait le bout de scotch sur les cassettes audio pour les enregistrer. Depuis toujours on s’échange les livres. Est-ce que tout cela a tué la culture ? Non. Les films actuels n’ont jamais coûté aussi cher. S’ils ne rapportaient pas d’argent, ils n’existeraient pas, tout simplement. Les films les plus téléchargés sont les plus vus au cinéma. Je pense qu’aujourd’hui, quand même, l’état a compris que quasi tout le monde pirate. Et ils comprennent aussi (mais là il leur faut plus de temps) que plus la personne pirate, plus elle achète également.

J’imagine 3 profils pour les français :

  • La Mme Michu, qui ne sait pas vraiment se servir d’un ordinateur, et donc encore moins pirater. Elle ne saurait même pas par où commencer, elle galère déjà à copier ses photos sur son ordi. Notre Mme Michu ne pirate rien, mais achète très peu également. De temps en temps le gros carton qui passe beaucoup en pub à la tv. Bienvenue chez les Ch’tis, elle l’a.
  • Le fou de piratage. Le mec sait se servir d’un ordi. Uniquement du Windows par contre, ce n’est pas un geek. Il a 14 000 programmes à la con d’installés sur son ordi, 12 disques de 4To, et télécharge à peu près tout. Il a aussi un gros NAS branché sur la télé (la dernière à la mode), avec un système de navigation pour choisir ses films avec à chaque fois toutes les jaquettes. Il a vu tous les films, ou du moins tout ce qu’il peut. Passer sa journée complète à mater des films ne lui pose aucun problème. Il connaît la team Gaia, et télécharge en priorité leurs films. Il fait tourner en boucle les scènes tournées en IMAX, parce qu’elles déchirent leur mère. Il achète très peu, parce que sa passion lui coûterait beaucoup trop cher, il ne pourrait pas suivre. Et de toute manière ça ne lui viendrait même pas à l’esprit. Il a aussi forcément la dernière console, voire les deux.
  • Enfin le passionné modéré. Il télécharge régulièrement, mais achète beaucoup également. Il a le Blu-ray de 300 qui permet de voir en bonus tout le film sur fond vert, car le mkv correspondant est introuvable. Il a la trilogie du Seigneur des Anneaux en Blu-ray également, car l’image remasterisée est splendide, tout comme les 50h de bonus où l’on voit l’envers du décor. Il est fan de Matrix. Cette personne télécharge modérément, de l’ordre de quelques films par semaine. Par contre il regarde tout ce qu’il télécharge. Si un film ou une série lui plaît vraiment, il achètera le Blu-ray, si possible en promotion. Il l’affichera comme un trophée sur une belle bibliothèque, à côté de pourquoi pas une figurine d’un personnage de film.

En analysant ces trois profils, on peut constater que Mme Michu ne pirate pas, mais rapporte très peu quand même. De temps un temps un dvd, ou une place de cinéma. Le power user, lui, pirate tout, mais n’achète rien. Fait-il perdre pour autant de l’argent ? Pas sûr, car rien n’indique qu’il achèterait s’il ne pouvait pas pirater. Tous les films qu’il regarde sont dématérialisés. Ca ne coute aucune matière première, juste un peu d’électricité et de bande passante, qu’il paie de toute manière avec son EDF/FAI. Enfin, le passionné modéré. Celui qui rapporte le plus d’argent. Celui qui va au cinéma régulièrement (à condition qu’il y ait de bons films) et qui achète tout ce qu’il aime. Grâce à Internet, il a appris à filtrer toutes les merdes potentielles, ou films commerciales. Pour continuer à lui faire acheter, pas de mystère : vendez-lui des films de qualité (non, pas Man of Steel), et avec des bonus conséquents, il les regarde tous.

Je n’ai même pas parlé de la facilité de télécharger illégalement, d’autres le font bien mieux que moi.

On peut bien sûr trouver d’autres profils, techniquement il y en aurait autant qu’il existe de français, mais c’est volontairement caricaturé. Je pense que les 3 profils indiqués plus haut concernent 80% des français. De plus, les valeurs données en début d’articles sont toutes arbitraires. C’est simplement pour montrer que je ne crois pas une seconde que le piratage nuit à l’industrie du cinéma. Il en est de même pour les bouquins ou la musique. Je ne pense pas non plus que le piratage inquiète réellement l’état aujourd’hui. Je reste persuadé qu’ils ont pris une claque avec Hadopi, en voyant le nombre très importants de vilains téléchargeurs. Si le piratage nuirait réellement à ces industries, je ne doute pas une seconde qu’une licence globale serait déjà en place. Tout est calculé pour faire du fric. Si la licence globale n’existe pas, c’est que le système actuel rapporte plus d’argent. J’ai entièrement confiance en mon pays pour me soutirer un maximum d’argent possible.

En petit bonus, je vous laisse deviner quel type de consommateur je suis :) (ce n’est ni rangé, et il en reste encore dans les cartons avec mon déménagement récent) :

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